Oscillant en règle générale autour de cinquante unités annuelles, les niveleuses représentent sans nul doute un marché confidentiel en comparaison avec d’autres types de matériels de travaux publics. Principalement dévolues aux travaux de VRD et de terrassement, elles se sont même fait voler la vedette ces dernières années par les bouteurs, plus compacts mais surtout plus faciles à conduire. Si bien que le parc français de niveleuses correspond aujourd’hui à leur seul usage comme outil de production, c’est-à-dire quand il n’est pas possible de les remplacer par un bouteur. Il faut dire qu’entre les commandes de cercle porte-lame, l’inclinaison et la rotation de roues, la niveleuse ne facilite pas la tâche de l’opérateur, qui doit savoir maîtriser tous ces éléments lorsqu’il est aux manettes. Une véritable contrainte et un frein pour des entreprises qui peinent à trouver des conducteurs qualifiés pour manipuler ce type d’engins. D'où aussi la quasi-absence d'une offre locative sans chauffeur sur ce segment.
Face à ce constat et à la demande de leurs clients, les constructeurs ont donc commencé à développer davantage de solutions d’ergonomie et d’aide à la conduite, telles que des commandes de joysticks plus intuitives et des technologies de positionnement et de levage automatique de la lame en début et fin de passe. Désormais, Caterpillar propose même son système intégré Cross Slope en standard sur ses machines. Prévu pour faire gagner du temps et de la précision aux opérateurs lors des travaux de nivellement, cet outil permet de contrôler automatiquement la pente transversale de la lame.
Un nouvel acteur sur le marché
De son côté, sur sa GD675-7 lancée en juin 2019, Komatsu a remanié son levier de transmission et l'a équipé d'un interrupteur avant-neutre-arrière, afin de simplifier la conduite pour l'utilisateur et de limiter ses mouvements de mains. Mais, si ces fonctionnalités répondent de façon générale aux attentes exprimées par les clients, les constructeurs ne se faisaient pas trop d'illusions sur l'impact immédiat de ces évolutions sur les ventes. Ces matériels restent très spécialisés et leurs renouvellements sont très espacés dans le temps, en moyenne toutes les 10 000à 15 000heures d’utilisation.
Et pourtant, à la surprise générale, en 2021, d'après les estimations d'Evolis, les ventes de niveleuses vont atteindre les 70 unités, contre 58 l'année précédente. Gare toutefois aux apparences car, à en croire nos échanges avec les principaux acteurs du marché, cette légère progression ne témoigne pas d'un engouement soudain pour la niveleuse. En réalité, elle est plutôt liée au retour de John Deere sur plusieurs marchés européens, dont la France, depuis juin 2019. Un épiphénomène donc pour certains, puisque leur part de marché reste inchangée. Pour autant, le retour de John Deere n'est pas sans conséquences. Longtemps orienté vers les versions tandem à quatre roues motrices, principalement proposées par les constructeurs, le marché français a pris un tout autre virage ces derniers temps avec une hausse de la demande pour des modèles à traction intégrale. Une tendance fortement influencée par l'Américain, qui propose en standard cette configuration, et en option celle à quatre roues motrices. Ainsi, parmi la dizaine de machines John Deere en service en France, trois sont en version tandem. Une approche également adoptée par Case, qui ne vend dans l'Hexagone que des machines à six roues motrices plus polyvalentes.
Avantage aux petits tonnages
En outre, pour Bergerat Monnoyeur, concessionnaire français de Caterpillar, cette évolution de la demande pourrait s’expliquer par la recherche d’une plus grande précision. Autre tendance émergente, la multiplication des chantiers urbains, qui explique aussi un attrait croissant pour les niveleuses de plus petits tonnages. Une dynamique qui, plutôt que de pousser les entreprises à remplacer leurs plus gros modèles, les encourage, au contraire, à se doter d’une unité additionnelle.
Retrouvez de ce dossier dans le Moniteur Matériels du 31 décembre 2021.
Charlotte Divet