C'est un divorce à l'amiable qui fait pousser des ailes au constructeur Ammann : la fin, en octobre dernier, du partenariat commercial qui depuis trente ans le liait à Yanmar lui a donné les coudées franches pour lancer sa propre gamme de mini-pelles. Jusqu'alors, le constructeur suisse tirait dans l'Hexagone 65% à 70% de son chiffre d'affaires de la vente des mini-pelles estampillées Yanmar. Soit, bon an mal an, près de 1 000 unités vendues chaque année, raflant ainsi près de 20% de parts de marché sur ce segment des engins de chantier.
Acteur majeur de la fourniture de ce type de matériels chez Loxam et Kiloutou, Ammann avait largement contribué à installer la marque nippone dans le paysage français de la location. Mais, depuis 2012 et l'obligation qui lui était faite de se restreindre exclusivement au marché des loueurs, Ammann s'était fermé certaines portes auprès des utilisateurs finaux. Notamment du côté des concessionnaires, chasse gardée du constructeur japonais.
Ces portes, la marque souhaite désormais les ouvrir en grand en lançant une gamme de machines légères destinées au secteur du petit terrassement. Un lancement hautement stratégique et résolument ambitieux puisque le constructeur table, à l'horizon 2023, sur la vente de quelque 900 engins par an. Soit peu ou prou les scores atteints par le passé avec son acolyte basé à Osaka. Produit de remplacement, la mini-pelle se positionnera principalement en complément de la gamme compactage léger, secteur dans lequel Ammann contrôle en France près de 25% de parts de marché sur un volume de ventes annuel de 12 000 unités. Les 17 modèles de mini-pelles de 1 à 11 tonnes commercialisés à compter du premier semestre 2020 ne sont donc pas le fruit du hasard : ils épousent parfaitement la demande d'un marché où le matériel compact est un best-seller.
Une technologie venue d'Italie
La gamme AMX est configurable à partir de neuf plateformes techniques différentes, avec des déclinaisons de poids et de performances variées. Rayon court ou non, flèche à déport parallèle ou à volée variable, les options sont aussi nombreuses que la gamme est étendue. Le zéro déport figure sur la plupart des modèles, qui tous sont à la norme Phase V à travers une motorisation soit Kubota soit Yanmar – sans rancune –, qui équipe notamment l'AMX 10 ZT d'à peine 1 tonne et l'AMX 85 ZT de 9 tonnes. Ce dernier modèle, qui possède une ligne de drainage indirect, peut être équipé d'un tiltrotateur sans configuration particulière. Si aucun accord n'a pour l'heure été passé avec des concepteurs de tiltrotateurs, notamment pour la monte usine, le Suédois Steelwrist semble néanmoins tenir la corde pour un futur partenariat industriel.
Ambitieux commercialement et avide de prendre sa place sur le marché florissant de l'excavatrice compacte, Ammann ne réalise cependant aucune prouesse technologique. Sa gamme de mini-pelles, conçue pour suivre au plus près les contraintes du marché et notamment celles liées aux travaux urbains, n'a en effet rien d'innovant. Et pour cause : le constructeur s'est tourné vers la firme italienne Sampierana, qui lui livre des engins choisis sur catalogue. Cet accord OEM (Original Equipment Manufacturer) est dicté par les réalités économiques : les coûts prohibitifs pour développer une nouvelle gamme de produits.
Basé à San Piero dans la région de Florence, l'équipementier, qui possède sa propre marque Eurocomach, fabrique déjà en marque blanche des mini-pelles pour Coltrax, ainsi que des trains de chenilles pour Komatsu et Liebherr. Toutefois, si l'association entre Ammann et l'équipementier transalpin venait à monter en puissance, la gamme des produits pourrait évoluer. Ammann réfléchit déjà au développement d'une machine de 2,5 tonnes qui serait spécifique au marché français de la location, ainsi qu'au lancement d'engins sur pneus. Sampierana, qui produit chaque année quelque 2 000 machines, ne cache pas de son côté ses ambitions de doubler ce volume dans les dix années à venir. De quoi largement absorber la demande de son voisin suisse.
"Impensable de concevoir une gamme
sans partenariats industriels"
Marc Gunia, directeur commercial d'Ammann France, explique : "Nos mini-pelles ne sont pas de purs produits Ammann, mais des objets industriels clés en main issus d'un assemblage de composants élaboré selon nos propres spécifications en termes d'options, d'équipements, de configurations de base et de choix de design. Les coûts de développement d'une nouvelle gamme d'engins sont si importants qu'il est aujourd'hui impensable de se passer de partenariats croisés ou d'accords avec des équipementiers. Les accords OEM sont désormais présents partout dans nos métiers. Ammann n'échappe pas à cette règle, puisque nous avons conçu par le passé des compacteurs à pneus pour Bomag et Hamm, et nous en fournissons aujourd'hui encore à Case et Volvo. En Amérique du Nord, la totalité de la gamme de compactage lourd siglée Case sort de nos chaînes de production. Pour étoffer son offre, un constructeur ne peut agir seul s'il veut intégrer sans risque financier majeur les coûts de lancement d'une gamme d'engins."
Steve Carpentier