Quel regard portez-vous sur le marché depuis 2020 et la crise du Covid ?
Depuis deux ans, nous sommes portés par une forte croissance liée à une demande soutenue de nos clients et alimentée par notre dynamique industrielle, faite d’extensions de gammes et de nouveaux services. Malgré un climat économique troublé, nous comptons bien poursuivre et amplifier nos investissements, tant en R&D que dans nos capacités de production. L’inauguration de notre seconde usine de nacelles tout-terrain, à Candé [dans le Maine-et-Loire, NDLR], s’inscrit dans cette logique, de même que l’injection programmée de 80 millions d’euros dans nos sites de production français et de 70 millions pour nos implantations américaines.
Faut-il comprendre que Manitou Group ne souffre pas des conséquences de la crise actuelle ?
La période que nous vivons est, bien sûr, extrêmement contrastée et les difficultés n’épargnent personne. Les tensions, sur la supply chain notamment, restent vives et nous touchent sur tous les composants, depuis l’électronique embarquée jusqu’aux moteurs. À cette première complexité, pour laquelle je ne perçois à ce jour aucun signe d’accalmie, vient s’adjoindre une inflation qui atteint des niveaux bien supérieurs à ce qui était anticipé avant la guerre en Ukraine. Les prix de l’acier, par exemple, témoignent de cette flambée et de la volatilité qui l’accompagne. Le plat est ainsi monté à près de 2 000 euros, avant de revenir à 1 300 euros la tonne en Europe [à début octobre, NDLR]. On peut se réjouir de cette baisse, mais il faut bien garder à l’esprit qu’il se situait autour
de 500 euros il y a un an et demi.
Un tel niveau d’inflation, associé aux défaillances des chaînes logistiques mondiales, ne condamne-t-il pas le marché des matériels de construction à une décrue ?
J’entends bien ceux qui anticipent une baisse. Mais j’entends aussi nos clients et l’expression de leurs importants besoins en matériels de construction. Difficile dans ce cas de faire la part des choses entre la situation économique générale et son impact potentiel sur les entreprises de notre secteur. Prenez les États-Unis, où la demande est forte sur le marché de la construction, avec des loueurs qui investissent dans le renouvellement et la modernisation de leur parc. United Rentals [n°1 de la location aux USA et dans le monde, NDLR], pour n’en citer qu’un, anticipe des Capex 2023 supérieurs à ceux de 2022. Ce constat a également le mérite de rappeler qu’un groupe comme le nôtre, avec 82 % de son chiffre d’affaires généré hors de France, doit conserver une lecture mondiale. Il est certain que notre empreinte géographique et la diversité des secteurs adressés (rénovation, agricole…) nous rendent plus résilients face aux cycles de marché.
La résilience, justement, constitue le grand défi lancé à une industrie appelée à plus de sobriété. Comment votre groupe compte-t-il le relever ?
D’abord en s’appliquant à déployer notre politique RSE et à tenir notre trajectoire bas carbone. Cela passera notamment par une réduction de 46 % de nos consommations énergétiques – Scopes 1 et 2 – d’ici à 2030. Aujourd’hui, la véritable nouveauté, c’est la crise énergétique qui nous pousse à avancer ce calendrier de sobriété. Au regard de cette situation, cela relève de la solidarité nationale et nous comptons bien être au rendez-vous. Nous avons libéré des capacités budgétaires, et des plans d’actions forts ont été lancés par les équipes sur tous nos sites. Même si je ne dispose pas encore de chiffres précis de réduction des consommations, je peux vous assurer que nous serons au-delà des objectifs fixés par le gouvernement.
Retrouvez l'intégralité de cette interview dans le Moniteur Matériels n°6217.
Jeremy Bellanger