Location : après la tempête vient le beau temps

| PortraitInterviewReportage |

Le plus dur de la crise semble passé pour les loueurs. Un climat de reprise s’installe dans le secteur avec, en ligne de mire, l’indispensable transition énergétique.

Les sites web parasites sanctionnés !
Location : après la tempête vient le beau temps © Franck Badaire - Photographe

Avec une baisse du chiffre d’affaires de 12,5 % et des effectifs en repli de 4,7 % pour atteindre 27 500 actifs, [NDLR, régression plus importante que lors de la crise de 2008-2009], le secteur de la location n’a pas été épargné en 2020. D’ailleurs, comme d’autres, il doit en partie sa sauvegarde aux décisions du gouvernement avec la mise en place du chômage partiel et des PGE (prêts garantis par l’État) que plusieurs entreprises ont transformé en prêts amortissables. En effet, cette aide précieuse a évité à de nombreux professionnels de déposer le bilan. « C’est un soutien de l’économie peut-être artificiel mais qui a été vital pour la filière. Parmi les sociétés membres du DLR (NDLR, fédération nationale des distributeurs, loueurs et réparateurs des matériels de bâtiment, de travaux publics et de manutention), nous comptons un taux de défaut plus faible qu’en 2019 », commente Philippe Cohet, président du DLR et également dirigeant de la société Uperio. Il ajoute : « Dans la seconde partie de l’année 2020, avec la reprise des travaux arrêtés quelques semaines lors du premier confinement et le démarrage de nouveaux chantiers, il y a eu un rattrapage de l’activité. Si bien que pour 2021 nous craignions de retomber sur quelque chose de plus moyen. D’autant plus, au regard des indicateurs macroéconomiques, des baisses de permis de construire et des commandes publiques qui ont tardé à arriver avec les élections municipales reportées. ».

 

Sans surprise, dans un tel contexte, la prudence a donc été de mise en 2021, considérée par beaucoup comme une année d’observation. Plusieurs acteurs de la filière ont par exemple hésité à se lancer dans des investissements trop importants afin de renouveler leurs matériels. Pourtant, à la surprise générale, la reprise a été plus forte qu’attendue cette année. Si bien que certains ont décidé de réviser leur feuille de route pour augmenter leur budget dédié au renouvellement des machines. Une bonne nouvelle sachant que, par rapport au niveau de 2019, l’investissement en matériels des entreprises de location membres du DLR s’était effondré, en 2020, de 50 %, avec 754 millions d’euros (HT) injectés, soit 19 % du chiffre d’affaires sectoriel.

Un plan de relance en faveur de la transition

Après quelques semaines en dents de scie pour le secteur du BTP, la reprise des chantiers et surtout leur capacité à retrouver leur rythme planifié sont venues consolider cette tendance et apporter de l’activité aux loueurs. « Avec les parcs disponibles, les loueurs ont pu rapidement servir les chantiers et nous avons d’ailleurs constaté, chez Loxam, des taux d’utilisation de nos matériels plus élevés qu’en 2019 », indique de son côté Thierry Lahuppe, directeur matériels du groupe européen de location.

 

Autre facteur dynamisant pour le secteur : la transition écologique. Au cœur des investissements des collectivités, des promoteurs et des majors du BTP, soutenus par le plan de relance 2021- 2022 mis en place par l’État, elle définit aussi la stratégie des loueurs. Ils sont engagés à accompagner leurs clients vers la poursuite de leurs objectifs de réduction d’émissions et enrichissent de plus en plus leur offre avec des matériels à faibles émissions. Certains proposent même de classer leurs machines par catégories « Crit’Air » selon leur degré d’émission. « Avec la crise, nous sentons qu’il y a eu un phénomène d’accélération vers cette transition verte avec la volonté de s’inscrire plus vite dans des projets initialement mis en place sur le long terme », confirme Philippe Cohet. Il y a donc une réelle opportunité à saisir pour les loueurs, mais cela suppose toutefois des investissements colossaux et peut-être même un travail collectif. « Nous faisons partie d’un écosystème, où il est fréquent de travailler en silo, mais nous n’avons plus le temps. Chaque année compte et c’est l’un des facteurs qui nous a poussés à organiser en mai dernier les Rencontres des matériels durables », explique François Renault, directeur matériels chez Kiloutou. Rassemblant des fournisseurs d’équipements, des clients et des fédérations professionnelles, cet événement doit permettre d’identifier les utilisations des machines, cibler les contraintes techniques et les limites d’usages (autonomie et capacité de recharge) afin de trouver des solutions pérennes. D’autres loueurs adoptent aussi la même stratégie. Loxam avait organisé en septembre dernier ses Rencontres de la sécurité et de l'environnement. D’ailleurs, alors que le thermique est encore une composante majeure dans les TP, les loueurs endossent même de plus en plus le rôle de promoteur des énergies alternatives auprès de leurs clients avec l’offre existante de solutions moins émissives.

 

Des réglementations incitatives

Car, si la performance a toujours été un incontournable parmi les exigences des utilisateurs, nombreux sont ceux qui pensent que les machines alternatives ne répondent pas à ce critère. Mais, demain, fort est à parier que les contraintes réglementaires pousseront les plus réticents à s’y mettre. « La tendance de la transition verte est moins forte en France que dans d’autres régions du monde, comme la Scandinavie et la Californie, où les réglementations contraignent davantage pour viser des bilans carbones proches de zéro. Mais, cela pourrait changer avec la loi Climat & résilience. Celle-ci aura prochainement un impact sur le marché, c’est certain », précise Philippe Cohet.

 

D’autre part, la tendance de fond de ces dernières années, à savoir la sécurité, a poursuivi sa course en 2021, mais la demande pour certains matériels, comme les exosquelettes, a tout de même été quelque peu ralentie. Pour ces équipements prévenant les troubles musculo-squelettiques, un regain est attendu pour 2022. Pour autant, cela n’a pas empêché les loueurs d’ajouter des matériels inédits à leur gamme dédiée à la sécurité. Loxam a, par exemple, codéveloppé avec Manitou un chariot télescopique, qu’il propose à la location dans sa gamme Loxsafe. Un engin qui intègre, entre autres, un service télématique. Un phénomène d’accélération autour du digital est d’ailleurs observé dans la location. En premier lieu, parce que c’est l’une des clés pouvant aider les propriétaires de parc à améliorer leur métier de gestionnaire de flotte. Mais aussi parce qu’elle permet de mieux connaître les usages des matériels. Un critère essentiel pour mieux les concevoir demain. 

Charlotte Divet