Joël Pedessac : « Le gaz de pétrole liquéfié a toute sa place dans la transition énergétique »

| Interview |

Disponible sur tout le territoire, le GPL est pourtant peu utilisé dans les travaux publics. Une situation qui, pour le directeur général de France Gaz Liquides, s’explique surtout par un manque de considération jusqu’alors des constructeurs et des entreprises de TP pour cette énergie plutôt que par une absence d’intérêt de leur part.

 

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Joël Pedessac, directeur général de France Gaz Liquides. © France Gaz Liquides

Selon vous, pourquoi le GPL est si peu adopté par les entreprises de travaux publics ?

Le GPL est utilisé depuis très longtemps dans le domaine routier, notamment pour alimenter les centrales d’enrobés et, aussi, en manutention où plus de 30 % de chariots fonctionnent au gaz. Si peu d’engins de chantier l’ont adopté, c’est pour des questions de motorisations. Si certains constructeurs ont adapté leurs pelles pour qu’elles puissent être alimentées avec du GPL (ndlr, comme la Kubota KX019-4, Cf. notre article sur le sujet), la plupart des moteurs des engins de TP sont prévus pour accueillir du diesel. Pourtant, la technologie pour adapter la motorisation au GPL est maîtrisée contrairement à d’autres énergies alternatives comme l’électrique. A mon sens, la situation actuelle témoigne plus d’un manque de volonté d’acteurs économiques de passer à cette technologie qu’une incapacité.

Quel intérêt aurait une entreprise de TP à utiliser du GPL pour alimenter ses machines ?

Les gaz liquides apportent une réponse à la fois locale, écologique et économique. Disponibles sur 100 % du territoire, stockables et facilement transportables, le propane en bouteille comme le GPL distribué en station (qui peut être privative), permettent en effet d’alimenter tous types d’engins pour lesquels l’électricité n’est pas adaptée. Cette motorisation est choisie lorsque les utilisateurs ont besoin de pénétrer dans des zones fermées où la qualité de l’air est un critère important, sans limitation de puissance et à coût maitrisé. Les gaz liquides que sont le propane ou le GPL carburant sont parmi les énergies les plus propres puisqu’elles diminuent jusqu’à 20% les émissions de CO2, n’émettent quasiment pas de NOx ni de particules fines. Ils ont donc toute leur place dans la transition énergétique à laquelle doivent faire face les entreprises de TP. Sans compter qu’ils peuvent aussi être d’origine renouvelable (biogaz) et réduire alors de 80% les émissions de CO2. A noter, en plus, que le GPL n’a pas besoin d’additif comme l’AD Blue dans le cas du GNR, ce qui présente un avantage en ces temps de crise des prix et de disponibilité.

N’est-il pas plus pertinent pour les acteurs d’adopter du GNC plutôt que du GPL ?

Sur le marché de la carburation, il est vrai que le GPL est aujourd’hui plus utilisé pour les véhicules légers tandis qu’il est possible de trouver de plus gros moteurs en GNC ou GNV. Pour autant, les utilisateurs constatent qu’il n’est pas toujours évident de trouver des stations de GNV à proximité de leurs chantiers, surtout lorsqu’ils sont excentrés des zones urbaines. En effet, le gaz naturel n’est disponible que dans environ 9500 communes en France sur les 36 000 alors que le GPL bénéficie d’une logistique de transport maîtrisée et est donc accessible partout sur le territoire. Il est donc beaucoup plus facile d’approvisionner les chantiers avec ce gaz qu’avec du GNC. Sur le plan économique, il y a aussi un avantage. Par exemple, Renault est capable aujourd’hui de proposer une voiture GPL au même prix qu’une voiture essence. Avec le GNV, en revanche, il y a un surcoût de l’ordre de 20 à 30 % pour adapter les motorisations à ce gaz. De même, avec la fin de l’avantage fiscal sur le GNR et la hausse des coûts de ce carburant, les entreprises auraient tout intérêt à mettre du GPL dans un engin de chantier car il ne va pas accroître le coût de la machine à la fabrication ni même entraîner de surcoûts à l’utilisation.

Comment le GPL peut-il donc trouver sa place dans le mix énergétique ?

A mon sens, cela doit venir d’une prise de conscience des acteurs. Les moteurs à gaz aux dernières normes réglementaires anti-pollution sont déjà sur l’étagère. Il suffirait qu’un utilisateur et un constructeur investissent désormais le sujet pour que ce moteur GPL pour engin de chantier trouve preneurs. La technologie existe, le carburant est distribué et disponible sur l’ensemble du territoire donc la marche n’est pas haute. Certes, l’équation pour les entreprises est actuellement difficile. Pour l’instant, par rapport au manque d’autonomie ou de puissance, l’électrique n’est pas encore la solution partout tandis qu’il n’est pas non plus encore possible de compter sur l’hydrogène. Mais, c’est justement parce que la situation est ce qu’elle est que le passage par le gaz est judicieux. Cela leur permettrait de faire cet effort de transition que les réglementations les incitent à faire, sans prendre de risques. Car, que le gaz soit renouvelable ou fossile, il s’agit de la même molécule donc pas besoin d’adaptation particulière du moteur, contrairement à un passage du diesel à certains  biodiesels.  

 

 

 

Charlotte Divet