Idir Ait Si Amer, Tracktor.fr : "L'occasion d'ajuster nos process"

| Témoignage |

Le dirigeant de la plateforme de location de matériels de chantier a décidé de ne pas subir la crise. Pour lui, les services numériques doivent en sortir renforcés.

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Idir Ait Si Amer, président de Tracktor. © Tracktor
Comment avez-vous réagi au confinement ?
 
Nous avons tâché d'anticiper le confinement en mettant en place le télétravail pour tous dès le 16 mars. Les grèves passées nous avaient déjà poussés à adapter nos outils et nos process. Nous travaillons avec 200 loueurs partenaires en France et des centaines de locations étaient en cours au moment de l'annonce du confinement. Le marché s'est mis à paniquer et nos services ont été submergés par des demandes de clients et loueurs qui anticipaient un arrêt de leur activité. Tout s'est accéléré, les clients se sont mis à annuler leurs locations en cours et à venir, la majorité des chantiers se sont stoppés, les loueurs ont refusé pour la plupart les nouvelles demandes et ont préféré mettre en sécurité le matériel. Le revirement a été violent. Il a fallu aller vite, c'était l'urgence. Il était nécessaire de protéger le matériel en location le plus rapidement possible. Nous avons fait le point avec chaque client, pour savoir si le chantier allait être maintenu et, en cas d'arrêt, s'assurer que les clients étaient en capacité d'assurer la sécurité du matériel ou le faire rapatrier par les loueurs. La gestion des locations en cours et à venir a été très chronophage et intense pour notre équipe. Je suis aujourd'hui fier de la réactivité de nos collaborateurs, qui se sont impliqués pour gérer ces locations dans l'urgence. Et heureux de l'esprit de solidarité et de bienveillance qui s'est manifesté chez nos clients et nos partenaires.
 
Quelles mesures avez-vous prises ?
 
Une fois l'orage passé et le matériel en sécurité, nous avons fait le bilan avec nos partenaires loueurs. Il faut savoir que, malgré le confinement, certaines interventions restent essentielles. Nous avons cartographié les loueurs capables d'assurer un service minimum. Grâce à eux, nous avons réussi à maintenir une faible activité et répondre aux demandes essentielles. En dépit de ce service minimum, l'activité reste faible. Notre volume d'affaires est divisé par cinq. Alors, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Nous avons mis une grande partie de l'équipe au chômage partiel ; cela a été un choc. Nous connaissons une belle croissance depuis le début [l'entreprise a été lancée en octobre 2016, NDLR] et devoir tout mettre à l'arrêt du jour au lendemain a été dur. Les équipes "produit" et "technique" mettent à profit le temps pour travailler sur des sujets de fond, tels que l'amélioration de la plateforme, l'optimisation de notre algorithme de mise en relation, le travail sur notre nouvelle identité, etc.
 
En quoi consiste votre calendrier de relance de votre activité ?
 
Nous préparons dès à présent la reprise. De manière à anticiper les difficultés, nous avons mis en place des dispositifs pour limiter l'impact de la crise au maximum : report des échéances sociales, remboursement accéléré de l'impôt innovation... Il est vrai qu'il y a eu des incertitudes concernant l'activités des chantiers ; les signes sont bien plus positifs aujourd'hui. Au niveau national, les acteurs du BTP (FFB, FNTP, CAPEB) semblent avoir convenu d'une reprise avec le gouvernement. Les préconisations de l'OPPBTP sont difficiles à mettre en œuvre dans les conditions d'un chantier, mais sont nécessaires afin de limiter la propagation du virus. Au niveau interne, nous avons constaté plusieurs signaux positifs. Côté clients, tous les chiffres sont à la hausse depuis quelques jours : trafic du site, devis générés, nombre de réservations, etc. On note une augmentation importante depuis deux semaines. Côté loueurs, il semble qu'une grande partie du réseau se prépare à reprendre l'activité. Le vent semble tourner, nous restons toutefois vigilants. Nous ne connaissons ni la date d'arrêt de cette crise, ni le rythme de reprise qui va en découler. Pour le moment, nous disposons d'assez de données pour voir une courbe croissante synonyme de reprise, au moins partielle.
 

"L'importance d'une organisation agile"

 
Comment percevez-vous l'avenir ?
 
Cette situation inédite impacte forcément notre croissance. Nous envisagions de faire +200% de croissance cette année. Les mois de mars à juillet représentent une bonne période d'activité pour la location de matériels et nous sommes déjà fin avril. Le redémarrage ne pourra pas se faire du jour au lendemain, car plusieurs maillons constituent le secteur du BTP. Je pense cependant que nous allons avoir une belle reprise, vu que de nouveaux clients viennent nous consulter dans le cadre de la reprise. J'essaie à mon niveau de prendre cette crise avec philosophie. C'est l'occasion de se remettre en question, d'ajuster nos process, parfaire notre service. Prendre le temps de discuter avec nos clients et nos partenaires pour mieux les accompagner à la reprise. A court terme, nous voulons être opérationnels à 100% lorsque l'activité reprendra. La principale priorité reste la santé, alors nous serons irréprochables concernant les mesures à respecter. Sur le plus long terme, nous avons l'impression que la digitalisation du secteur de la location va s'accélérer. Le confinement et les restrictions de déplacement physique ont obligé les professionnels à chercher des solutions en ligne. Nous avons un réseau fort, opérationnel et formé aux gestes barrière. Et nous sommes structurés pour servir les clients sans contact. Le digital devient encore plus important.
 
Cette période occasionnera-t-elle une remise à plat de vos méthodes de travail ?
 
En tant qu'acteur digital, nous disposons des outils collaboratifs et des process qui nous permettent de travailler à distance. Et la crise actuelle renforce notre conviction sur l'intérêt de notre métier et de notre apport à ce marché. Là où la crise a été bénéfique, et je pense que c'est le cas pour de nombreux dirigeants, c'est qu'elle met en évidence que nous ne sommes pas à l'abri d'une crise majeure, que notre façon de travailler et nos modèles économiques peuvent être bousculés du jour au lendemain et qu'on doit tous développer une organisation agile capable de s'adapter vite. Nous allons travailler pour améliorer notre communication et notre façon de partager la vision avec l'équipe en télétravail, construire la confiance nécessaire pour élargir ce type de dispositif et rendre notre structure encore plus agile qu'elle ne l'est déjà. Notre équipe a montré un niveau d'engagement et d'implication extraordinaire durant cette période et c'est avec eux que nous souhaitons construire l'avenir.

Arnault Disdero