En ville, les engins veulent couper les gaz

| Enquête |

Alors que les agglomérations déploient leurs zones à faibles émissions, les matériels du BTP s’adaptent pour continuer à y accéder.

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La pelle électrique Mecalac 12 MTX à l'essai dans le centre-ville de Lyon © Colas

C'est une réalité, les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) se multiplient. Elles sont aujourd’hui 11 à limiter leur accès aux véhicules les plus polluants via le certificat Crit’Air, et bientôt plus nombreuses, d’ici à fin 2024, avec 33  agglomérations supplémentaires. « Environ 40 % du parc automobile existant sera impacté », précise Emmanuel Michaux, directeur mobilité et services urbains, en charge de l’offre ZFE chez Egis. Ces zones seront également plus restrictives dans les années à venir, avec des étapes d’interdiction encadrées par la loi Climat et Résilience. Dans un tel contexte, l’acceptabilité est un enjeu important, comme l’a montré la mise en place de l’écotaxe, « un exemple repoussoir en matière de communication », estime Emmanuel Michaux. « Chacun doit ressentir qu’il travaille pour un résultat collectif, pour le climat, et qu’il n’est pas le seul à contribuer. » Et pour avoir de bons résultats, il faut, selon lui, y aller progressivement pour éviter l’effet punitif, le réaliser sur un territoire le plus large possible, respecter une équité par le contrôle automatisé, et accompagner le changement. L’harmonisation est également très importante pour éviter de se retrouver face à des règles différentes dans deux agglomérations d’une même région.

À chaque application son énergie

Quant aux engins de chantier, ils ne sont pas soumis à Crit’Air mais sont touchés par la mise en place des ZFE, « qui ont un impact immédiat sur les exigences – propreté, sobriété, limitation des émissions et nuisances sonores, acceptabilité  – et les cahiers des charges des chantiers que nous sommes amenés à faire sur la voie publique », affirme Marianne Ricci, directrice territoriale Île-de-France chez GRDF. Pour ces machines, outre le gaz c’est plutôt l’électrique qui attire l’attention, plus propre à l’utilisation –  la production des batteries restant, elle, polluante – et silencieux. Certains secteurs sont d’ailleurs bien fournis, comme l’élévation. D’autres s’équipent progressivement, comme le terrassement, où quelques matériels électriques jusqu’à 5 t (mini-pelles et chargeuses) émergent. Mais, pour les machines de plus gros tonnage, l’offre n’est pas encore là. Et les entreprises sont en attente, car ces engins représentent parfois plus de 50 % des émissions de CO2, comme chez Eurovia. « C’est notre problème principal, affirme Anthony Flandin, directeur matériel de la délégation Centre-Est d’Eurovia. On se doit d’agir tout de suite. » Et ce en travaillant sur les consommations, les formations à l'éco-conduite, etc. Pour Pascal Petit-Jean, secrétaire général du Syndicat des entreprises internationales des matériels et services de travaux publics (Seimat), il ne faut pas non plus faire une croix sur « les nouvelles générations de moteurs thermiques stage V, qui consomment moins et rejettent moins de particules ». Ce qui étonne, c’est que l’hybridation a jusqu'ici été peu envisagée par les constructeurs. « Moins de 10 % des machines sont hybrides », note Anthony Flandin. Une autre technologie est dans les cartons : l’hydrogène. « Il y a déjà quelques prototypes de matériels fonctionnant à l’hydrogène, quelques camions, une pelle de 20t notamment, explique Philippe Boucly, président de France Hydrogène. Maintenant, ce qu’il faut traiter, c’est la logistique, en trouvant des solutions pour apporter l’énergie sur le chantier. » Le passage aux énergies alternatives oblige en effet les entreprises à s’adapter. « La logistique doit être prise en compte bien en amont de la préparation du chantier, que ce soit pour le matériel, les matériaux ou les déblais », explique Grégory Fouant, directeur des services matériel et méthodes chez Spie Batignolles. Sans oublier la recharge, qui est le nerf de la guerre de cette transition énergétique. « On incite les professionnels à convertir leurs véhicules à l’électrique, voire bientôt à l’hydrogène, mais les infrastructures en centre-ville ne sont pas disponibles », ajoute Emmanuel Michaux. Certains s’en sortent bien en ouvrant un raccordement au réseau électrique sur le chantier ou en se branchant sur les bornes de recharge des voitures, mais ce n’est pas toujours possible. Alors, il faut se tourner vers d’autres options, comme l’apport direct d’énergie sur les chantiers avec des groupes électrogène ou électro-hydrogène, ou encore des packs batteries. Les acteurs avancent sur ces sujets en gardant à l’esprit qu’il n’y aura pas de solution unique. 

Séverine Fontaine