Quelles sont les missions du Comité nouvelles énergies et nouvelles motorisations (NeNm), dont vous assurez la présidence ?
Ce comité a été créé en novembre 2020 par la Commission technique et innovation de la FNTP, avec pour principal objectif de rechercher des solutions de transition énergétique et d’identifier des orientations réalistes applicables aux engins dans les cinq grands champs d'investigation que sont le fluvial, le rail, les transports routiers, mais aussi les travaux publics en général et la fourniture d'énergie. Autant de thématiques qui structurent des ateliers co-animés avec Éric Sorgo, chargé de mission transport et logistique, et qui regroupent des utilisateurs et fabricants de matériels mais aussi des énergéticiens.
Vos travaux portent notamment sur la recherche de solutions immédiates d'accompagnement de la transition énergétique. Comment agir sans délai sur le segment des machines de travaux publics ?
Il est en effet trop tôt pour dessiner avec certitude un avenir technologique aux horizons 2030 et 2050. En revanche, il est tout à fait possible de se projeter à 2025. C'est même indispensable car tout porte à croire que les nouvelles énergies telles que l’hydrogène et l’électrique ne pourront couvrir l'ensemble des applications avant au moins une dizaine d'années. Durant cette période, l'immobilisme ne peut être une option. Nous n'allons quand même pas regarder passer le train de la lutte contre les émissions de CO2 au prétexte que les fournisseurs ne proposent pas d'alternatives au moteur thermique ! Des solutions doivent être explorées. C'est le cas des biocarburants, et ce malgré leur surcoût par rapport au GNR. Il faut également regarder les propositions des constructeurs, qui vont des motorisations Stage V à l'hybride, en passant par les assistances de type Start & Stop… Autant de technologies qui, pour donner leur pleine mesure, doivent être couplées à une utilisation accrue de données rendues plus accessibles aux conducteurs depuis leur tableau de bord.
D'autres leviers sont-ils susceptibles d'accélérer la mutation des matériels ?
Nous encourageons le développement de la filière du rétrofit électrique pour les véhicules éligibles. Plusieurs réflexions sont en cours, comme sur la conversion d'une pelle thermique de 20t pour l'équiper de batteries électriques. Mais un tel procédé, pour être viable écologiquement et économiquement, doit concerner suffisamment de machines. En deçà de 15 machines au profil identique, l'équation n'est pas tenable. Comme souvent, la massification est la clé du développement de ce type de solution. Suivant cette même logique de conversion, nous étudions également la piste d’un camion doté d’un moteur thermique fonctionnant avec un mix composé à 70 % d’hydrogène et à 30 % de gazole, en attendant que les ressources soient disponibles. De même, nous avons suivi le développement de la chargeuse Case au gaz, mais cette machine reste pour l’instant à l’état de prototype.
« Des réflexions sont en cours pour convertir une pelle thermique de 20t en l'équipant de batteries électriques. »
Percevez-vous la flambée actuelle des prix des carburants comme une piqûre de rappel ?
Une chose est certaine : nous ne pouvons pas continuer à polluer et émettre autant dans le contexte actuel. Bien sûr, il convient d’adopter l’option la plus judicieuse économiquement, mais sans jamais perdre de vue l'objectif. Nous avons tous, pendant la crise sanitaire, bénéficié de prix des carburants assez avantageux, et certains ont baissé la garde trop vite. Si les coûts des énergies fossiles suivent une tendance haussière, ce n’est pas seulement en raison du contexte géopolitique mais aussi de la reprise économique et de la consommation en croissance.
Dans sa synthèse, le comité soutient aussi la mise en place d’une fiscalité avantageuse sur les biocarburants pour encourager leur adoption…
Outre l’acquisition de matériels à énergies alternatives, nous pensons effectivement qu’une détaxation des carburants vertueux devrait être prévue afin d’aligner leur coût sur celui du gazole. En outre, nous prônons une fiscalité identique entre le HVO et le B100, dès lors que ce dernier est issu d’une filière locale durable.
Comment le comité compte-t-il faire bouger les lignes après avoir dressé l'inventaire des solutions à disposition ?
Nous finalisons en ce moment même une boîte à outils qui met en lumière, pour les professionnels du secteur, les solutions de transition dès à présent opérationnelles sur les plans technique et économique. Elle devrait être disponible d’ici au mois de mai. Dans la foulée, nous allons aussi fournir des analyses prospectives. En parallèle, nous comptons poursuivre nos travaux d’études et dresser dans quelques mois un deuxième bilan de l’évolution de la mobilité propre.
Retrouvez l'intégralité de cette interview dans le Moniteur Matériels n°6188.
Charlotte Divet