Une enveloppe de 1 200 milliards de dollars sur cinq ans, entre 2021 et 2026, pour développer les infrastructures aux États-Unis, et 180 milliards de dollars sur douze ans engagés dès 2016 au Canada. Massifs, ces plans d’investissement vont participer, selon plusieurs analystes, à faire de l’Amérique du Nord le second marché mondial, après la Chine, des équipements de construction d’ici à 2027. De quoi faire de ce pays un eldorado aux yeux de nombreux constructeurs comme les Français Fayat, Manitou et Mecalac.
Pour s’y faire un nom, le premier critère reste l’implantation. Toutes les marques tricolores s’appuient a minima sur une filiale américaine et un dépôt logistique. Pour certaines, la production à destination des marchés nord-américains se fait même en partie depuis les États-Unis. Le groupe Fayat y compte ainsi deux usines : celle de sa filiale Bomag à Ridgeway (Caroline du Sud), qui fabrique principalement des finisseurs, et celle de son autre filiale Charlatte à Bluefield (Virginie), spécialisée dans la production de tracteurs aéroportuaires électriques. « Pour réussir sur le marché américain, il est stratégique d’avoir une capacité à concevoir localement, permettant de rester proche des besoins de nos clients. C’est pourquoi, depuis Yankton [Dakota du Sud, NDLR], nous fabriquons notamment des chariots télescopiques exclusivement destinés aux marchés nord-américains », explique pour sa part Arnaud Boyer, vice-président marketing et développement produits de Manitou. Grâce à des opérations de croissance externe – le rachat de KD Manufacturing, en 1986, marquant le début de son aventure outre-Atlantique, puis les acquisitions en 2008 de Gehl et Mustang (marque qui n’est plus distribuée depuis 2022) – le groupe d’Ancenis dispose, en plus de son siège de West Bend (Wisconsin), d’une force industrielle significative aux États-Unis : un centre d’importation à Baltimore (Maryland), un centre logistique à Belvidere (Illinois) et deux autres sites de production à Yankton et Madison (Dakota du Sud). Des points d’ancrage qui peuvent aussi servir à fournir l’Europe. Certaines des chargeuses articulées de Yankton, ainsi que certains skid-steers et track loaders sortant des lignes de Madison, sont exportés vers nos marchés. Une façon de tirer avantage de toutes les expertises.
Les engins peuvent aussi traverser l'Atlantique dans l'autre sens. C’est justement l’approche de Mecalac. Si le groupe dispose aux États-Unis d’un site de pièces de rechange depuis qu'il a acquis le Britannique Terex Coventry en 2017, ses six gammes de matériels sont essentiellement produites en France, Allemagne, Royaume-Uni et Turquie. Dans la même logique, une grande partie de la gamme Bomag et toute l’offre Dynapac sont importées depuis les usines européennes. Une stratégie industrielle qui ne dispense pas d’une attache commerciale et technico-logistique solide.
Se différencier par l’offre
Mecalac l’a bien compris. Plus jeune sur ces marchés, le groupe compte environ 25 distributeurs en Amérique du Nord, dont 16 aux États-Unis. Un réseau qui lui assure de couvrir plus de 28 états américains et six provinces canadiennes. C’est son partenariat avec le distributeur Lorusso Heavy Equipment qui lui a permis, à l’origine, de démarrer la commercialisation de ses produits en Amérique du Nord dès 2016. Et, compte tenu de l’étendue des territoires, la présence d'un réseau efficace est une condition essentielle pour satisfaire au mieux les attentes des clients. Tous s’affairent donc naturellement à le consolider. « Nous sommes actuellement en relation avec plusieurs nouveaux concessionnaires pour étendre notre couverture à certaines zones des États-Unis. Nous les accompagnons sur le plan commercial et technique pour leur assurer d’être parfaitement opérationnels en 2024 », dévoile Alexandre Marchetta, P-DG du groupe Mecalac.
S’appuyant sur 251 concessionnaires et 1 000 points de vente, Manitou travaille lui aussi à l’optimisation de son réseau depuis 2021. Il a mis en place une nouvelle organisation commerciale, divisant les États-Unis en quatre zones pour mieux représenter les besoins de ce marché et aussi mieux cibler les demandes spécifiques de ses clients. « Par exemple, nous avons stratégiquement renforcé notre maillage en Californie, un État dont le PIB dépasse celui de la France », explique Arnaud Boyer.
Plutôt que de développer des gammes exclusives pour pénétrer les marchés nord-américains, le credo de Mecalac, c’est de proposer une alternative aux segments de matériels déjà exploités. « Nous ne nous positionnons pas sur des volumes de masse. Au contraire, nous vendons notre offre différenciée, confirme Alexandre Marchetta. Je crois que ces marchés attendent justement que nous leur proposions des solutions innovantes.» Voilà pourquoi le groupe d’Annecy proposera à la vente, dès 2024, sa pelle électrique e12. Avec l’objectif d'augmenter significativement ses parts de marché et de faire du sous-continent un de ses principaux marchés. Manitou entend aussi apporter une offre alternative avec sa gamme Oxygen. Reste maintenant à convaincre de l’urgence de décarboner.
Retrouvez l'intégralité de cette enquête dans le Moniteur Matériels du 17 mars 2023.
Charlotte Divet